Addis-Abeba, Éthiopie, le 22 mars 2021 (CEA) – L’industrialisation durable est un moteur de croissance réalisable pour l’Afrique afin de mieux construire son avenir au lendemain de la pandémie de coronavirus. Les gouvernements, cependant, doivent investir dans des infrastructures technologiques essentielles et des politiques de soutien pour assurer le développement économique dans le contexte de la pandémie perturbatrice de la COVID-19.
Tel est le consensus des décideurs africains participant à la réunion annuelle, de la Conférence des ministres africains des finances, de la planification et du développement économique (COM2021), de la Commission économique pour l’Afrique qui a débuté ce lundi, à Addis-Abeba.
Les ministres africains ont pris la parole lors d’une table ronde de haut niveau sur le thème de la cinquante-troisième session de la Commission, axée sur « l’industrialisation durable et la diversification de l’Afrique à l’ère du numérique dans le contexte de la COVID-19 ».
La pandémie de COVID-19 a durement frappé l’Afrique, déclenchant une récession en 25 ans qui a affaibli les économies et accentué le fardeau de la dette.
L’industrialisation est-elle toujours une stratégie viable pour la croissance économique à l’ère du numérique en raison d’une automatisation accrue et de l’intensité croissante des compétences d’une activité industrielle limitée pour absorber plus de 170 millions de jeunes prêts à entrer sur le marché du travail au cours de la prochaine décennie ? Le changement climatique diminue-t-il la viabilité des voies traditionnelles d’industrialisation face aux chocs croissants et les pays africains peuvent-ils tracer de nouvelles voies vertes vers la croissance économique et se diversifier par rapport à la dépendance actuelle aux combustibles fossiles et aux matières premières ? Telles sont les questions pressantes qui ont été soulevées au cours de la table ronde.
« La durabilité, l’industrialisation, la diversification et la numérisation sont les bonnes stratégies pour permettre à l’Afrique de se remettre des effets désastreux de la COVID-19 et de renforcer sa résilience, et de réaliser une croissance et un développement durables et inclusifs », déclare le conférencier principal, le Ministre rwandais des finances et de la planification économique, Uzzeil Ndagijimana, au panel. Il souligne que ces stratégies d’industrialisation nécessitent des investissements dans la production de vaccins, une bonne gouvernance, l’accès à un financement à long terme bon marché, un environnement commercial amélioré et la promotion du commerce interafricain.
M. Ndagijimana indique que l’Afrique est vulnérable aux fluctuations des prix internationaux des produits de base et au commerce défavorable car elle continue de dépendre de l’exportation de matières premières vers les pays développés et émergents et de l’importation de produits finis.
« Des mesures concrètes sont nécessaires pour accélérer l’industrialisation et la diversification des économies africaines », déclare-t-il, ajoutant que le continent doit tirer parti de sa jeune main-d’œuvre croissante et de l’expansion du marché grâce à la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf).
« Il est temps pour l’Afrique de passer de la position de fournisseur de matières premières à celle de fournisseur de produits semi-finis et finis dans le commerce mondial », affirme M. Ndagijimana, soulignant que l’industrialisation est l’un des principaux piliers de la stratégie nationale de transformation au Rwanda. Le pays développe des parcs industriels et des villes satellites intelligentes et développe des écoles de formation technique et professionnelle. Il a mis en place un fonds de développement pour soutenir les PME ainsi qu’un fonds d’innovation pour soutenir les jeunes talents dans les technologies numériques.
« L'Afrique progresse dans les technologies de numérisation et compte une jeunesse talentueuse et enthousiaste, mais des efforts supplémentaires sont nécessaires en termes d’infrastructures matérielles et immatérielles, de renforcement des capacités et de facilité d’accès au financement pour les jeunes entrepreneurs », dit M. Ndagijimana.
Pour sa part, le Directeur général de l’Organisation des Nations Unies pour le développement industriel (ONUDI), LI Yong, souligne que la voie de l’industrialisation de l’Afrique est difficile, mais que les économies africaines ont la possibilité de progresser à grands pas.
Citant les conclusions du Rapport 2020 sur le développement industriel de l’ONUDI, M. LI déclare que l’industrialisation doit être encouragée en Afrique car de nombreux pays du continent sont encore un marché inexploité pour les technologies numériques.
« Cette situation, est assez difficile pour les pays en développement, c’est pourquoi la route vers l’industrialisation de l’Afrique est très difficile, surtout dans la situation actuelle de la crise de la COVID-19 », fait-il remarquer, soulignant que l’Afrique a besoin d’infrastructures numériques robustes pour s’associer à la nouvelle quatrième Révolution industrielle et un marché du travail qualifié.
Houlin Zhao, le Secrétaire général de l’Union internationale des télécommunications (UIT), se réjouit de voir l’Afrique prioriser la numérisation. Il déclare que la COVID-19 a permis au continent de reconnaître l’importance des TIC malgré la fracture numérique. L’Afrique a une faible connexion Internet et dans les villes africaines, près de 30% des ménages ont Internet, tandis que dans les zones rurales, ce taux est de 6%, fait remarquer le Chef de l’UIT.
Il coûtera 100 milliards de dollars pour connecter toute l’Afrique d’ici 2030. Les investissements du secteur privé et les partenariats publics sont essentiels pour y parvenir.
« Je suis très optimiste parce que l’Afrique place les TIC en tête de son agenda et parle d’un marché commun et d’un seul marché numérique africain… L’Afrique n’est pas loin derrière les autres », déclare M. Zhao, appelant à la mise à niveau des technologies actuelles, à l’investissement et à l’innovation sur le continent.
Le Ministre éthiopien des finances, Ahmed Shide, fait savoir à la table ronde que si l’Afrique se concentre largement sur l’exportation de produits de base et l’importation de produits finis, qu’il est temps de changer de cap et de stimuler les économies en utilisant les technologies numériques.
« À l’époque d’aujourd’hui, l’industrialisation ne consiste pas seulement à créer des liens entre et au sein des secteurs, mais nécessite également une approche innovante, soutenue par les opportunités technologiques émergentes. À cet égard, la révolution et l’utilisation d’Internet peuvent être un outil important pour le développement industriel en Afrique », déclare-t-il.
Contribuant à la discussion, le Vice-Ministre égyptien de la planification et du développement économique, Ahmed Kamaly, déclare qu’avant la COVID-19, son pays avait adopté une stratégie de stabilisation et de réforme qui priorisait la fabrication et les TIC, conduisant ainsi à une croissance économique positive.
« Les pays africains veulent changer leur statut de consommateurs de technologie et de production numérique pour devenir des producteurs de ces produits et secteurs très importants. Si nous ne le faisons pas, cela aura des répercussions importantes sur les inégalités et la fracture numérique », dit-il.
Pour sa part, Albert Muchanga, le Commissaire de l’Union africaine chargé du développement économique, du commerce, de l’industrie et des mines, note que la ZLECAf soutiendra l’industrialisation et la numérisation à travers l’élargissement des marchés et des secteurs manufacturiers.
« Pour que le marché fonctionne, il doit être soutenu par l’agro-industrie et les services. Nous avons mobilisé le secteur privé pour réaliser exactement cela », déclare M. Muchanga, ajoutant :« Nous devons promouvoir une industrialisation inclusive et durable. Si nous laissons quelqu’un pour compte, il n’y aura aucune foi dans la ZLECAf ».
La Commission de l’Union africaine a travaillé avec l’ONUDI pour développer un exercice de cartographie des chaînes de valeur régionales à travers l’Afrique.
La COVID-19 a perturbé les chaînes d’approvisionnement, fait remarquer M. Muchanga, ajoutant que la Commission de l’Union africaine élabore en ce moment des normes « Fabriqué en Afrique » qui seront utilisées comme critères pour que les pays fournissent des biens et des services au marché africain.
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