La vision 2020 du Bureau pour l’Afrique centrale de la Commission économique des Nations Unies pour l’Afrique (CEA) pour une sous-région résolument tournée vers la diversification et la transformation économiques, s’est en grande partie réalisée. Cet exploit a été possible grâce à une incitation des États membres à élaborer des politiques et stratégies qui ont favorisé une augmentation du commerce intra-sous-régional de 1,7% à 2,1% ainsi que l’adoption d’au moins deux politiques/pratiques révolutionnaires - notamment la ratification de l’accord de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf) entre les sept pays couverts par le Bureau. En outre, le Bureau a réussi de mettre ensemble les commissions de la CEEAC et de la CEMAC pour l’élaboration d’un seul Plan directeur sous-régional de l’industrialisation et de diversification économique, après la mise en place d’un tel Plan directeur par le Tchad.
Mais comment cela a-t-il été effectif? La partie ci-dessous décline trois réalisations marquantes en 2020, sélectionnées pour vous:
1. Adoption et lancement du processus d'élaboration d'un Plan directeur global d'industrialisation et de diversification économique de l'Afrique centrale (17 juin 2020)
Après des années d’intense plaidoyer fondé sur des données factuelles par le Bureau sous-régional de la CEA pour l'Afrique centrale (CEA/BSR-AC), la diversification économique est désormais dans une large mesure considérée comme le seul moyen durable d'échapper aux cycles répétés d'expansion et de récession de la croissance que la sous-région subit depuis le début du 21e siècle.
Face à ces faits, les gouvernements, les communautés économiques régionales, les partenaires de développement, les acteurs du secteur privé et les universitaires de la sous-région parlent désormais le langage de la CEA. Toutefois, maîtriser le langage de la diversification économique verticale et horizontale ne suffit pas. Chaque État membre doit élaborer et mettre en œuvre des plans d'action adaptés et fondés sur des avantages comparatifs. Jusqu'à présent, le Bureau a contribué à l'élaboration d'un Plan directeur d'industrialisation et de diversification économique (PDIDE) pour le Tchad (finalisé en février 2020). Ce Plan est à présent sur la table de la plus haute autorité du pays. Il a également aidé le Congo à formuler sa Vision 2048 qui accorde une grande importance à la diversification économique. Le Bureau a également soutenu le Cameroun dans la révision de son Plan directeur de développement industriel. Voilà pour les acquis!
Mais à la veille de la mise en place de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECA), le CEA/BSR-AC a compris que les PDIDE pays seuls ne suffisent pas. Ils doivent être s’adosser sur un Plan directeur sous-régional plus large qui reflète leurs avantages comparatifs individuels, donnant une vue d'ensemble des points de comprendre et exploiter. De cette façon, l'on évitera de gaspiller de l'énergie en dupliquant les efforts et chaque pays pourra efficacement apporter sa pierre à la construction de l’édifice.
Elaborer un Plan directeur global d'industrialisation et de diversification économique de l'Afrique centrale (PDIDE-AC)! Là encore, la communauté des six pays membres de la CEMAC avait ses propres idées en gestation. Il en était de même pour les 11 pays membres de la CEEAC. La première institution a abordé la diversification économique au sens large. La dernière s'était concentrée sur l'industrialisation. Étant donné que tous les États membres de la CEMAC appartiennent à la CEEAC, pourquoi ne pas réexaminer, mettre à jour et fusionner de manière transparente les deux plans en un Plan directeur solide mais réalisable?
C'est ainsi qu'au début de l'année, le CEA/BSR-AC a entrepris d'examiner les propositions des commissions de la CEEAC et de la CEMAC, de trouver davantage de données probantes convaincantes et de mettre en branle sa machine diplomatique économique et consensuelle. Les équipes ont travaillé d’arrache-pied, organisant maintes réunions techniques durant lesquelles les discussions étaient houleuses. Mais toutes les parties, restées fidèles aux principes du compromis, ont revisité et recalibré leurs idées et sont revenues aux tables de discussion virtuelles. Une fois la partie technique terminée, le président de la Commission de la CEMAC, le professeur Daniel Ona Ondo et la secrétaire générale adjoint de la CEEAC (aujourd'hui Commissaire à l'aménagement du territoire et infrastructures de la Commission de la CEEAC) - Mme Marie Thérèse Chantal Mfoula ont conduits les travaux des deux communautés lors d’une rencontre virtuelle organisé par le CEA/BSR-AC le 17 juin 2020. L’issue? Les deux parties ont solennellement accepté de poursuivre la mise en œuvre d’un PDIDE-AC consolidé. Elles ont donc mis en place des axes de travail pour collaborer avec la CEA et faire du Plan directeur sous-régional unique une réalité.
Avec une dizaine de sous-rapports, les travaux relatifs au Plan sont désormais bien avancés avec pour objectif une mise en œuvre en 2021.
Il est conçu pour permettre à la sous-région de mieux sortir des fléaux engendrés par la COVID-19, à travers la production, la transformation, la distribution et la consommation des produits manufacturés qui correspondent à ses propres besoins et goûts. Les chaînes d'approvisionnement de l’industrie pharmaceutique et alimentaire en constituent les pierres angulaires.
En outre, le Plan directeur fait la promesse d'une chaîne de valeur des énergies renouvelables (dont l'Afrique centrale possède le potentiel le plus élevé du continent), l'exploitation des ressources en eau, la valorisation des minéraux et des métaux et la transformation des économies forestières de la sous-région, sur la base de modèles de financement innovants qui reposent sur un meilleur pouvoir de négociation. Ce pouvoir lui-même découlant de la comptabilisation du capital naturel et d’une connaissance approfondie de l’ensemble des immenses richesses naturelles de la sous-région.
2. Déclaration faisant de la période 2012-2030 la Décennie de la diversification économique en Afrique centrale lors de la 36ème session intergouvernementale de la CEA pour l'Afrique centrale (11-12 novembre 2020)
Malgré le spectre d'une double menace de la débâcle du système de santé et un effondrement de l’économie posés par la pandémie de COVID-19 en 2020, le Bureau de la CEA pour Afrique centrale s'est lancé un défi inhabituel. Celui d’atteindre, non pas l’objectif, mais le point de départ d'un écosystème qui garantirait que la sous-région soit mieux outillée pour les chocs de ce type à l’avenir. Ce défi représentait le point de départ du « renforcement des capacités et compétences pour la diversification économique en Afrique centrale ». Car, contrairement à ce que l’on peut penser, la COVID-19 a constitué un rappel brutal à la sous-région du risque démesuré de dépendre excessivement des recettes des matières premières alors qu’on importe la quasi-totalité de ses consommables manufacturés. Absolument pas une bonne affaire, mais bon passons!
Le Bureau a donc fait preuve de diligence raisonnable afin d’auditer les défis, déficits, besoins et perspectives en matière de compétences dans la sous-région, notamment en ce qui concerne la diversification économique, à travers deux webinaires très intéressants organisés en mai et juillet. Ces deux événements ont rassemblé des experts de toute l'Afrique et de certaines parties d’Europe, d’Asie et des Amériques. Des études et des débats de fond ont permis de constater que seulement 20 % des diplômés d'Afrique centrale ont des compétences en science, technologie, ingénierie, mathématiques et innovation (STEMi) qui sont cruciales pour la diversification économique et le développement durable.
Même ceux qui ont des compétences en STEMi ne sont pas outillés en termes de créativité, de résolution de problèmes et de travail d'équipe; ils sont plutôt formés à se souvenir de la théorie. Afin de changer la donne, l’Afrique centrale compte s’inspirer de quelques exemples de réussite dans le monde, à l’exemple de la politique de substitution des importations de l'Éthiopie qui reposait sur la formation d'au moins 70% des apprenants de l'enseignement supérieur aux STEMi; la requalification intelligente des ingénieurs des anciennes industries vers la production d'énergie renouvelable et l'exportation des connaissances en Afrique du Sud; l'accent mis par le Japon sur la formation primaire universelle en lecture et calcul ainsi que une tradition d'apprentissage à vie.
Ces webinaires ont parfaitement préparé le terrain pour la 36ème session du Comité intergouvernemental des hauts fonctionnaires et d'experts pour l'Afrique centrale (CIE) du 11 au 12 novembre 2020, tenue par visioconférence. Le CEA/BSR-AC a présenté les conclusions des webinaires de mai et juillet aux ministres de l'Industrie, de l'Éducation et de la Planification, aux décideurs politiques, aux organisations de développement, aux représentants du secteur privé, aux universitaires, à la société civile et les médias. Ont suivi des débats passionnés de haut niveau afin de mener la conversation à un niveau consultatif politique.
Le Ministre camerounais des Mines, de l’Industrie et du Développement technologique, Gabriel Dodo Ndoke, a déclaré: « nous devons passer de l’éducation basée sur un système extractif et de recherche de rente à une politique qui prépare les apprenants à un système productif transformateur. Deuxièmement, nous devons concevoir des programmes de formation pour la création d'emplois et l'esprit d'entreprise plutôt que de former des bureaucrates et des chercheurs d'emploi ».
L’économiste en chef de l’OIT, Irmgard Nübler, a proposé un changement d’esprit, l’adhésion à une éthique solide en milieu travail et à la certification de l’apprentissage afin de renforcer les compétences et d’innover pour la diversification économique.
Ces leçons majeures, ainsi que les arguments en faveur d'une évolution post-COVID-19, ont conduit les ministres, les hauts fonctionnaires et les experts à réfléchir à un cadre dans lequel les acteurs pourraient travailler avec une vision commune en vue de parvenir à la diversification économique en Afrique centrale. Un tel cadre devait être orienté vers une refonte des compétences, compte tenu de l’invitation antérieure de la Secrétaire générale adjointe de l'Organisation des Nations Unies et Secrétaire exécutive de la CEA - Mme Vera Songwe, qui avait ouvert la session.
A l'issue de la session du CIE, la Ministre du Plan, de la Statistique et de l'Intégration Régionale de la République du Congo, Mme Ingrid Olga Ghislaine Ebouka, très convaincue, convertie et engagée, a donc déclaré les années 2021 à 2030 Décennie pour la diversification économique en Afrique centrale, qui accompagnera la Décennie d'action des Nations Unies pour atteindre les ODD.
Le CEA/BSR-AC a déjà préparé une stratégie d'action pour cette Décennie. Cette stratégie apporte un nouvel élan à sa théorie du changement pour la mise en œuvre du Consensus de Douala sur la diversification économique en Afrique centrale qui avait sanctionné la 33ème session du CIE tenue à Douala au Cameroun, en 2017. L'élan d'un mouvement Made in Central Africa, initié à la session de Douala, est donc fort, vivace et dynamique. L'Afrique centrale doit simplement jouer sa partition.
3. Prototypage d'un outil intégré de découverte et de planification spatiale géoréférencée afin d’éclairer les décisions d'investissement pour l'Afrique centrale (8 décembre 2020)
Selon un adage populaire là où la route passe, le développement suit. Mais cela n'a pas toujours été le cas aux niveaux macro-national et sous-régional en Afrique centrale, étant donné la faible marge budgétaire de ces pays depuis des décennies.
Jusqu’ici, l’idée d’interconnecter toutes les capitales des pays de la CEMAC par diverses voies de transport se limitait aux « corridors de transport ». Cette idée de lien entre les capitales cachait la vision de faciliter l'accès à la mer aux pays enclavés de la sous-région. Mais dans quel but? Pour que les trains et les camions puissent transporter le bois, les minéraux et le pétrole brut sur les navires à quai prêts à mettre les voiles vers le Nord industrialisé, et revenir avec des produits manufacturés pour un marché local consumériste qui en a fortement besoin. N’en parlons pas des routes transactionnelles dont les communautés vivant le long du tracé et dans les zones environnantes ont très peu bénéficié.
Avec sa théorie du changement pour la diversification économique en Afrique centrale, conçue dans l'esprit du Consensus de Douala de septembre 2017, le Bureau de la CEA pour l'Afrique centrale a procédé à une relecture approfondie du plan. Il s'est également penché sur les théories et les pratiques de développement contemporaines qui ont éclairé les corridors de développement (du Corridor de Maputo au Triangle de la prospérité Dakar-Thiès-Mbour ), retrouvé des ensembles de données socio-économiques et biophysiques géoréférencées pour le Cameroun, et défini le bon moment pour le changement en Afrique centrale.
Cet évènement arrive par hasard à un moment où la Commission de la CEMAC venait de récolter 3,8 milliards d'euros sur les 4,07 milliards d'euros recherchés lors d'une table ronde des donateurs à Paris en novembre 2020 pour financer 11 projets d'intégration sous-régionaux - dont les principaux sont les grands axes du PDCT-AC.
Avec les données du Cameroun, le Bureau a prouvé de manière tangible aux hauts responsables des Etats de la communauté et de toute la région qu'il convient de revoir notre adage selon lequel là où la route passe, le développement suit. Cette fois, il est bien pensé de transformer l’ensemble des routes reliant les États en plateformes productives en fonction de leurs avantages comparatifs selon les preuves de la surveillance spatiale. Les pays ont donc accepté le nouvel outil que la CEA propose pour les aider à tirer le meilleur parti de ces itinéraires!
« Collecter des données socio-économiques et biophysiques géoréférencées en plus des corridors de développement en Afrique centrale aidera nos gouvernements centraux et locaux à mieux comprendre la position, l'ampleur et le dynamisme des relations de leur base de ressources », a martelé Antonio Pedro, chef du Bureau de la CEA pour l’Afrique centrale.
Les outils géospatiaux sur les corridors de développement, qu’élabore le bureau de la CEA pour l'Afrique centrale, fourniront des informations granulaires pour mieux comprendre le processus, étant donné que la superposition sophistiquée de données telles que l'irradiation solaire, les terres arables, les données agro-écologiques, les ressources minières, les établissements urbains, le niveau d'éducation et le nombre de titulaires de comptes bancaires, pour ne citer que ces quelques exemples, aideront les gouvernements de l'Afrique centrale à prendre des décisions cruciales quant à l'emplacement des zones économiques spéciales, ainsi qu’à identifier et définir l’ordre de priorité des investissements. Ce travail vise à maximiser l'impact sur le développement et à réaliser des économies d'agglomération en période de difficultés budgétaires.
À partir des ensembles de données déjà disponibles pour le Cameroun, de nombreuses mesures pourraient être appliquées rapidement concernant le péage, la plus évidente étant de tirer le meilleur parti de la route Douala-Edea-Kribi géographiquement liée en tant que triangle de croissance compte tenu de son capital humain, son niveau d'infrastructures et ses ressources naturelles.
D'ici le début de l'année 2021, les 11 pays de la CEEAC verront leurs ensembles de données socio-économiques et biophysiques géoréférencés dans un puissant outil de planification spatiale et d'investissement basé sur un SIG. Ces données serviront aux décideurs de la sous-région et transformeront les itinéraires de transport en corridors de développement crédibles, ouvrant ainsi des opportunités pour l'émergence de nouveaux pôles de croissance, parcs industriels, zones et pôles économiques spéciaux, en vue de soutenir la mise en œuvre du PDIDE-AC, de la ZLECA, et atteindre une croissance inclusive et une décentralisation effective.
Renseignements aux média
Abel Akara Ticha - Responsable de la communication
Commission économique des Nations Unies pour l´Afrique
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