Yaoundé, 19 décembre 2020 (CEA) – Les taux alarmants des exportations de produits alimentaires en Afrique Centrale devraient être une réalité du passé, ont estimé des économistes et des agriculteurs jeudi.
Ceci s’explique par le fait que tous les pays de la sous-région sont richement dotés en terres arables et zones écologiques favorables à la production de protéines nécessaires au développement de solides chaînes de valeur agricoles qui pourraient contribuer à une plus grande prospérité dans la sous-région dans le contexte de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf).
Cette affirmation est ressortie d’une réunion virtuelle dédiée à l’évaluation d’une étude de cadrage intitulée : « Analyses approfondies des chaînes de valeurs régionales et grappes agro industrielles stratégiques de l’Afrique centrale pour tirer le meilleur parti de la Zone de libre-échange continentale africaine ». Ladite étude est réalisée par le Bureau sous-régional pour l’Afrique centrale et la Division du développement du secteur privé et des finances de la Commission économique des Nations Unies pour l’Afrique (CEA).
Ladite étude présente la situation actuelle des chaînes de valeur des principaux produits agricoles (manioc, riz, sésame, poisson, bétail, sucre, huile de palme/d’arachide) au Cameroun, au Tchad et en République démocratique du Congo (RDC) et elle va s’étendre pour couvrir la région toute entière. Elle identifie en outre l’ensemble des produits stratégique que la sous-région en tant que bloc devra capitaliser pour faire des échanges sur le nouveau marché africain, notamment le bois, le cuivre, les produits halieutiques, les céréales et les produits carnés.
Au rang des examinateurs figuraient les représentants des associations d’agriculteurs, d’entreprises agro-industrielles, du secteur public, des institutions techniques et financières et d’autres agences de développement, des organisations de la Société civile et des Communautés économiques régionales.
Selon cette étude, le bétail est une filière particulièrement intéressante qui présente des possibilités de créer des chaînes de valeur pour le Cameroun et le Tchad.
Le Cameroun produit un ensemble varié de ruminants et d’espèces d’élevage bovines, mais est loin de consentir des investissements conséquents dans la filière afin de développer une chaîne pour répondre d’abord à sa propre demande avant d’en exporter vers la région.
Les éleveurs locaux peuvent fournir seulement 70% de la demande annuelle de viande de bétail qui est de 660 milles tonnes. La transformation secondaire de ses produits carnés en articles tels que le jambon, les escalopes, la saucisse est infime, tandis que la transformation tertiaire des produits de bétail en cuir, lait et yaourt est négligeable.
Le manque de capital, indique l’étude, constitue un obstacle pour les résidents locaux qui souhaitent investir dans la filière dotée de 7,5 millions de têtes de bétail dans ses régions du Nord (37,5%) et de l’Adamaoua (33,9%), qui sont les principaux bassins de production. Le reste des investisseurs de la filière bétail ciblent les petits ruminants tels les moutons, les chèvres et les cochons dont les bassins de production sont situés à Bafoussam et Douala.
Le Tchad dispose d’une filière bétail plus vaste avec plus 14 millions de têtes, mais avec un climat des affaires et des défis de transformation similaires à ceux du Cameroun. La production de viande est encore principalement traditionnelle, allant à peine au-delà des activités de boucherie, tandis que les exportations du bétail sur pied, principalement à destination du Soudan, du Nigeria et du Cameroun se font à pied. Le pays produit de gros volumes de peaux d’animal, dont la plupart sont vendues de manière informelle sur le marché local. Le Nigeria, principale destination des ventes externes, a reçu 900 000 peaux et cuirs d’animaux d’espèces bovines en provenance du Tchad en 2014.
Pour contrer la nature rudimentaire des produits de bétail au Cameroun et au Tchad, l’étude de référence appelle à la nécessité de construire des infrastructures de qualité supérieure, notamment des routes dédiées au transport des produits de bétail, des installations améliorées de transformation et de stockage; une meilleure gouvernance qui permet d'accélérer les procédures administratives afin d’attirer les investisseurs et des systèmes judiciaires plus rapides qui facilitent la décentralisation de la justice dans l’optique de rendre la résolution des différends liés à l’occupation du sol plus rapides.
Une autre filière majeure mise en évidence dans l’étude est la chaîne de production du manioc en RDC. La culture du manioc et ses ventes représentent près de 75% de tous les produits alimentaires, 18 millions de tonnes ayant étés produites en 2018, soit une baisse par rapport au pic de 42 millions de tonnes enregistrées en 2016 (en raison des défis sécuritaires auxquels le pays a été confronté pendant les deux années).
La demande totale locale de manioc, principalement cultivé de manière archaïque dans les bassins agricoles du nord-ouest du pays (Bas-Congo, Bandundu, Équateur, Kasaï et Orientale) se chiffre à près de 12,6 tonnes par an. Quelques fermes relativement semi-modernes ou modernes procèdent à une transformation à grande échelle de ce produit par une extraction par pression de l’acide hydrocyanique, séchage puis transformation en chips des tubercules ou par broyage dans les fermes. La majorité des agriculteurs procèdent à la transformation en se soumettant au travail manuel exténuant qui consiste à peler, râper, pétrir et piler les tubercules, tâches réalisées principalement par les femmes.
” Au regard de la grande contrainte que représente la main d'œuvre, l’amélioration de la compétitivité de la filière va nécessiter non seulement des progrès considérables en matière de productivité agricole, mais aussi à tous les niveaux de la chaîne de production”, soutient le rapport.
”En outre, les pertes après récolte, en raison d’un stockage inadéquat ou d’opérations de transformation inadaptées, sont actuellement importantes et devraient être réduites,”a-t-il ajouté.
”Ces difficultés liées à la chaîne de valeur nous contraignent à mener des études d’une telle ampleur pour répondre à la vision du Plan directeur d’industrialisation et de diversification économique de l’Afrique Centrale– PDIDE-AC – qui est actuellement en cours de finalisation sous l’impulsion des Commissions de la CEMAC et de la CEEAC,” a déclaré Antonio Pedro, Directeur du Bureau de la CEA pour l’Afrique Centrale.
” Fort de la diversité écologique des sous-régions et de vastes étendues de terrains fertiles, qui leur confèrent un avantage comparatif singulier en termes de productivité agricole, il est inacceptable que nos pays continuent de consacrer des dépenses excessives aux importations de produits alimentaires”, a-t-il affirmé relativement aux statistiques préoccupantes à ce sujet.
À titre d’exemple, en 2017, les produits agricoles représentaient 32% des importations totales de la Guinée équatoriale ; 24% de celles du Gabon; 21% de celle de la République centrafricaine; 18% de celles de Sao Tome et Principe; 17% de celles du Congo et entre 15 et 16% de celle du Cameroun et de la RDC. En Angola, la facture des importations de produits alimentaires s’élève à environ 2,8 milliards de dollars américains par an.
”Ce que nous présentent ces études préliminaires, c’est l’énorme potentiel pour la création d’une variété de chaînes de valeur dans la filière agricole dans la sous-région de l‘Afrique Centrale richement dotée en ressources, comme moyen de transformer la filière secteur, assurer la sécurité alimentaire, créer la richesse et garantir la prospérité pour tous, tel qu’envisagé par les Chefs d’État africains dans le cadre stratégique du Programme détaillé du développement de l’Agriculture en Afrique(PDDAA) adopté à Maputo en 2003”, a déclaré Mme Joan Kagwanja, Chef de la Section agriculture et climat des affaires favorable, Division du développement du secteur privé et des finance de la CEA.
L’examen fait par les experts jeudi va consolider les trois études qui serviront de modèles de travail pour la création des chaînes de valeur dans l’ensemble de la sous-région afin de cerner les différents liens et renforcer les chaînes de valeur au-delà des produits de l’agriculture/de l'élevage.
Un exemple éloquent serait le développement de la potasse évalué à 2 trillions de dollars américains dont est doté le sous-sol de la République du Congo. Si le Congo procède à l’extraction de ce minerai et l’exporte vers le Cameroun, la main d'œuvre camerounaise pourra la transformer en engrais et l’exporter vers toute la sous-région, afin de maximiser davantage la production agricole.
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